Si on m’avait dit qu’un jour je développerais une fintech dédiée aux services à la personne et que je leur vendrais des cartes bancaires, je n’y aurais pas cru. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été bercé dans un environnement familial du soin. D’un côté par l’activité de ma mère, au sein de l’ADMR en Vendée en tant qu’infirmière libérale. De l’autre, par le métier de mon père, géronto-pshychiatre à l’HP de la Roche-sur-Yon.
Pourtant encore, je me suis retrouvé en responsabilité de ma grand-mère paternelle en 2007, après les décès de ses deux enfants, dont mon père. J’avais alors 24 ans. Elle a peu à peu perdu ses capacités physiques et, j’y pense encore souvent, je n’ai pas su quoi faire pour l’aider dans son quotidien, car je ne savais rien de l’aide à domicile. Faute de temps aussi. Je l’ai aidée sur le seul truc que je connaissais : la maison de retraite. Elle y est décédée 1 an après …
Si j’avais eu il y a près de 10 ans le niveau de connaissance que j’ai aujourd’hui sur ce secteur d’activité, j’aurais organisé son maintien à domicile et elle aurait été bien plus heureuse j’en suis sûr.
Aujourd’hui je dirige la startup Ezio, fondée sur les dernières technologies bancaires et mes premiers clients sont des SAP. Hommage à mes parents, “rédemption” pour mon manque de lucidité vis-à-vis de ma grand-mère ? Peu importe.
Les SAP, le coeur de notre bien-vieillir
En effet, je ne me soucie guère du pourquoi j’en suis arrivé ici. Tout ce que je sais, c’est que comme toutes mes activités depuis ma sortie de la FAC, tout à un sens et tout doit concourir à améliorer le monde. La question de l’utilité sociale est ancré dans mon agir. Participer à la préservation de l’environnement comme à mes débuts au WWF-France, à la santé avec la création de l’ONG Respire sur la qualité de l’air. Tout comme ce bar dans le Xième arrondissement de Paris où nous ne servions que des boissons bio (même le rhum pour le mojito). Tout ce que je sais, c’est que je ne peux faire que ce qui a un impact positif sur le monde. Celui-ci est bien trop injuste à mon goût.
Il y a quelques années, j’ai découvert les Services À la Personne, les S-A-P comme ils disent. Et je suis fan. Qu’ils soient associatifs ou privés, dirigeants de structures, franchisées, succursales ou mandataires, cadres de secteur, dans les bureaux ou intervenants à domicile, salariés d’établissement ou de particuliers employeurs, il faut une sacré dose d’humanisme pour y dédier son quotidien.
Le cœur de notre bien-vieillir collectif repose sur les services à la personne, à n’en pas douter. C’est un secteur encore peu connu du grand public je trouve, mal reconnu et mal accompagné par les pouvoirs publics (mais ça avance). Nous leur dédions notre modeste talent et notre énergie et cela nous enthousiasme chaque jour. Car d’un côté, c’est une manière de leur rendre hommage. De l’autre, il faut bien considérer qu’ils peuvent s’améliorer grâce à nous et notre regard neuf sur le sujet.
J’ai envie d’aider ceux qui aident. Je crois bien que toute l’équipe d’Ezio se sent également fière de participer à améliorer l’activité et l’organisation des services à la personne, qui eux-mêmes consacrent leur temps à améliorer le quotidien des personnes en situation de vulnérabilité.
La startup nation et les Services à la personne ?
Depuis plus d’un an que nous échangeons tous les jours avec des responsables d’établissements, des responsables de secteurs, des animateurs régionaux et des auxiliaires de vie, nous avons la certitude que s’est engagé un mouvement d’innovation. Innovation managériale et innovation numérique, au coude à coude, pour attirer les candidats d’une part et les garder, pour leur faciliter la tâche au quotidien d’autre part et favoriser leur autonomie et leur sentiment de considération.
Je suis désolé de ne le dire que maintenant, mais le titre volontiers provocateur de la startup nation au service des SAP ne reflète cependant pas l’effervescence actuelle de notre pays pour l’entrepreneuriat de manière générale. Les startups qui se sont engagées aux côtés des acteurs de l’aide à domicile se comptent sur les doigts d’une main, perdues au milieu des un peu plus nombreuses startups de la silver économie, elles-mêmes encore trop peu financées à côté des startups de la longévité (#agetech) très tournées elle-mêmes vers les technologies médicales et sur l’adaptation du logement. Il n’y a pas de licorne dans la silver économie et encore moins dans les services à la personne.
Pourtant, je pense à Aladom, pour l’aide au recrutement dédiée aux SAP. À Minnity, fraîchement débarqué de Suède pour empuissanter les intervenants à domicile par des formations courtes sur mobile (“micro learning”). Je pense à Dôme et à Sipad pour leur carnet de liaison numérique, afin d’optimiser la coordination des activités de soin et du prendre soin. Ces quelques startups apportent de réels avantages à qui se saisit de leurs solutions dont l’objectif est bien d’éliminer les pertes de temps à faible valeur. Leurs effets positifs une fois en place ne concernent pas seulement les établissements, mais bien l’ensemble des parties prenantes impliquées dans l’aide à domicile. Car elles sont nombreuses. Les clients-bénéficiaires en premier lieu, les aidants professionnels (tuteurs, curateurs, mandataires judiciaires), les aidants familiaux dont on connaît l’implication et la charge mentale associées, les salariés sur le terrain et ceux au niveau des postes de coordination et les dirigeants enfin, qui aimeraient certainement qu’on les aide à diminuer leur taux de stress.
Quant à nous, c’est par un hasard provoqué, conjugué à une résilience Cyrulnienne qu’Ezio a fait son apparition puis peu à peu pris sa place dans ce marché de niche. En 2 ans et demi maintenant, nous aurons entendu le problème du paiement des courses (je me souviens parfaitement de ce 23 novembre 2019 au Salon des Services à la Personne), interviewé de nombreux acteurs du secteur pour comprendre la gestion de la prestation de courses minute par minute, développé un logiciel métier et commercialisé notre solution. Plus de 150 établissements nous font confiance aujourd’hui et ils nous le disent tous à l’unisson : “Nous ne reviendrons jamais en arrière”. Le pari est réussi parce que nous redonnons du temps d’intervention à haute valeur humaine, pris sur du temps de gestion à faible valeur.
SAPé comme jamais
Aujourd’hui et malgré les difficultés du secteur, je vois tout le potentiel des services à la personne à asseoir leur position et à construire un socle domiciliaire fort, à accroître leur(s) performance(s) et à innover vers des organisations bien huilées et attractives. Moi-même dirigeant d’entreprise, prestataire de services, je ne peux m’empêcher de constater qu’il y a encore des marges de manœuvre pour améliorer l’efficacité organisationnelle de ces structures. Certains y verront un gros mot, comme celui de performance. Mais sans aller jusqu’au chronométrage des col-blancs, force est de constater que certaines procédures dans le métier méritent d’être modifiées. Les outils numériques peuvent le permettre, s’ils sont bien adaptés au métier.
L’incroyable énergie humaine de nos clients et leurs encouragements bien plus nombreux que leurs critiques bienveillantes sur nos lacunes techniques (Ezio ne se fera pas en un jour) nous donne des ailes. Les innovations sont, si ce n’est attendues comme le Messie par les SAP très bien appréciées une fois mises en place, au point de ne pas vouloir revenir comme avant. J’en veux pour preuve ce questionnaire sur l’amélioration de la qualité de vie au travail que nous avons adressé aux salariés utilisateurs de notre solution Ezio. L’une des questions était ainsi posée, en deux temps : Comment trouviez-vous la gestion de l’argent pour les courses avant Ezio ? Les 105 salariés répondants pouvaient choisir de répondre avec un chiffre variant sur une échelle de 0 à 10 entre “Très complexe” et “Très facile”. 1/3 a répondu de très complexe à un peu complexe. 1/3 ni l’un ni l’autre. Le dernier tiers trouvait cette gestion entre assez facile à très facile. À la question “Comment trouvez-vous la gestion de l’argent pour le paiement des courses avec Ezio”, plus de 90% ont répondu de assez facile à très facile (plus de 50% pour ces derniers). Conclusion rapide. Avant, ils ne voyaient pas que c’était un problème car la pénibilité n’était pas extrême. Aujourd’hui, la facilité d’exécution est si flagrante que nous en ressentons très clairement les bénéfices. C’était pénible, mais nous faisions le dos rond faute de mieux. Aujourd’hui, nous avons découvert que l’on avait le droit à des outils adaptés. L’entretien avec une Directrice d’établissement me revient, qui a eu ces mots : “Le changement en interne a mis du temps à se faire, mais les salariés ont ensuite pris goût à l’innovation et s’interrogent désormais sur les autres parties du métier qui pourraient être améliorées. Cela a créé un vent d’innovation au sein de notre structure”.
Le numérique est une force et il y n’y a pas que Xerfi qui le dit. Comme nous le constatons, il y a un avant et un après pour ceux qui osent franchir le pas de solutions numériques ou organisationnelles et qui décident de trouver le temps pour le franchir.
Je décèle régulièrement les frustrations des personnels sur le terrain face à des processus de décision qui ne leur appartiennent pas. Or s’ils avaient le pouvoir d’appuyer sur les boutons pour améliorer des choses concrètes vécues sur le terrain, ce secteur ferait sa mue bien plus explosivement qu’on ne le pense et de nouveaux modèles d’aide à domicile pourraient voir le jour. Une sorte de changement de vêtements pourrait-on dire, pour être “sappé comme jamais”.
Cet article a été rédigé pour [ Les41 entrepreneurs (Start-up) ] de la Silver économie (& Marché des Seniors). 👉 Téléchargez le document complet gratuitement : https://lnkd.in/eKZrK5nh